lundi 26 décembre 2016

Prière improvisée et prière confessionnelle par l'Ancien Ephrem de Katounakia [3]



Les prières improvisées sont utiles, surtout pour les débutants et les progressants. Nous commençons notre prière par une confession, comme si nous nous adressions personnellement à quelqu’un que nous rencontrons. Nous demandons d’abord pardon pour nos fautes, puis nous prions le Seigneur qu’Ils nous apprenne à faire sa volonté, à éviter les tentations, à nous libérer de nos passions et qu’Il nous accorde ce qui favorisera un vrai repentir. David disait : «Fais-moi connaître la voie où je dois marcher car vers toi j’ai élevé mon âme » (Ps. 142)

Cette manière de faire, que nous appelons «confessionnelle » est très bénéfique. En effet, le blâme de nous-mêmes, par lequel nous confessons continuellement nos multiples fautes, engendre l’humilité, qui est le siège de la divine grâce. «Dieu donne la grâce aux humbles» (Jacques 4,6), « J’ai été humilié, et il m’a délivré » (Psaume 114,6). Lorsque nous utilisons cette façon de faire pour mobiliser l’énergie de la grâce, celle-ci s’unit à notre intellect. Chaque souvenir de notre très doux Sauveur devient alors une source de joie et de paix, alors que la perception de ce monde et des choses sensibles nous semble odieuse et épuisante. «Je me suis souvenu de Dieu et j’ai été dans la joie.» (Psaume 76,4). Ainsi s’accomplit en vérité la parole de Saint Grégoire le théologien : «Il faut rappeler à notre esprit la pensée de Dieu plus souvent qu’on  ne respire.» 

Il n’est pas possible de décrire ce qui concerne la prière, on ne peut qu’en faire l’expérience et seuls ceux qui font cette expérience connaissent l'indicible sublimité de la prière.

(extrait de L'Ancien Ephrem, le disciple rempli de charismes par l'Ancien Joseph de Vatopaidi)

mercredi 21 décembre 2016

"Quand l’intellect ne se sent pas poussé à la prière" par le Bienheureux Ancien Ephrem de Katounakia [2]



L’intellect, instable et entraîné au mal par la dissipation et la curiosité, n’aime pas les restrictions ni le confinement en « prison ». Jusqu’à ce que la grâce lui ouvre la porte de la sensation de Dieu. Dès que cela se produit, l’intellect ne veut plus s’arracher à la douceur de l’union à Dieu, là où se trouvent la nourriture et la jouissance des anges, la gloire et la joie des justes et l’avant-goût de la vie éternelle. 

Lorsque l’âme n’est pas bien disposée et s’assoupit, et que, par conséquent, l’intellect ne se sent pas poussé à la prière, nous devons trouver des moyens de la stimuler, comme lorsqu’on présente un plat savoureux à quelqu’un qui n’a pas d’appétit. Il n’est pas étonnant que ceux « dont le cœur a de mauvais desseins » (Gn. 8,21), ceux qui se laissent entraîner par des influences diverses, manquent d’ardeur pour la prière. À ces moments-là, il nous faut nous stimuler nous-mêmes par des pensées et des contemplations appropriées. Tournons notre intellect vers les souffrances du Christ, en nous représentant par la pensée l’image de la crucifixion ; songeons aux différents témoignages des millions de héros de notre foi ; considérons la signification de notre divine destinée, nous qui possédons l’image et la ressemblance de notre Créateur. Toutes ces choses-là réveillent le sens du devoir dans notre intellect endormi, particulièrement si nous y associons le blâme de nous-mêmes, qui a le pouvoir de secouer notre engourdissement. 

« Quand je me trouve dans un état aussi funeste et misérable bien vu nous disait le bien heureux Ancien, je m’imagine me trouvant devant le redoutable tribunal lors du second avènement du Christ. Je vois le Seigneur, après son jugement, emmenant avec lui les siens et s’en allant dans le Royaume éternel. Moi, il m’a exclu et je sens qu’il n’y a plus pour moi le moindre espoir de le revoir ou d’obtenir miséricorde, alors je me mets à crier et à verser des larmes innombrables. » 

Mais ces images, figures et pensées que nous mobilisons au début pour pousser notre intellect à la prière, nous devons les abandonner complètement dès que la prière commence à agir, sans quoi elles nous distrairaient. À l’heure de la prière, il n’est besoin d’aucune figure, image ou représentation. L’intellect, libre de toute couleur et figure, n’est mû que par sa seule inclination vers Dieu et va là où la grâce le pousse. La première sensation qui naît de la prière est la joie, puis viennent toutes les autres comme Saint-Paul nous le décrit (voir Gal. 5,22).
(extrait de L'Ancien Ephrem, le disciple rempli de charismes par l'Ancien Joseph de Vatopaidi)

jeudi 15 décembre 2016

"L’obéissance engendre la prière, et la prière engendre la théologie" par le Bienheureux Ancien Ephrem de Katounakia [2]

Priez sans cesse 

Si la rigueur de l’obéissance se trouvait en tête des enseignements de Papa Ephrem, la prière, qui agissait immédiatement dans son cœur et dont il faisait sans cesse l’expérience, en constituait le parallèle. La parole de l’Évangile : « Demandez et vous recevrez » (Jean, 16,24) fonde la doctrine de notre complète nullité, puisque, comme le dit le Seigneur lui-même : «Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jean, 15,5). C’est précisément pour cette raison que la prière doit être incessante. 

Si le « Priez sans cesse » ( I Th. 5, 17) nous est un précepte, Papa Ephrem l’a intégralement mis en pratique, car à toutes les étapes de sa vie, il n’a jamais pu supporter que sa prière s’interrompe. 

Qui pourrait nous comprendre si nous tentions de décrire la hauteur et la profondeur de la prière de son cœur ? Celle-ci le transfigurait, le transportant dans des visions célestes et le ravissant en extase. 

Il nous disait sans cesse : «L’obéissance engendre la prière, et la prière engendre la théologie », ce qu’il avait appris de l’ancien Joseph quand il était jeune, il l’enseignait à son tour aux débutants qui lui posaient sans cesse des questions sur la prière. Comment faut-il prier au début ? Qu’est-ce que la prière du cœur ? Pouvons-nous garder des images dans notre esprit au moment de la prière ? 

Il répondait simplement et clairement à toutes ces questions, révélant sans le vouloir les hauteurs qu’il avait atteintes dans la connaissance des mystères surnaturels de la grâce divine. 

La prière monologique, c’est le «Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi. ». Notre intellect apprendra et retiendra d’autant plus facilement les paroles que nous lui imposons, qu’elles seront peu nombreuses. Les formes de prière, elles, sont par contre variées. Elles dépendent des dispositions et des besoins de chaque personne. La prière peut se faire demande, intercession, supplication, louange, action de grâces et souvent même, «louable insolence » grâce à laquelle la bonté infinie et l'amour sans limite de Dieu pour l’homme se penchent sur celui qui le supplie sans cesse dans une humilité profonde. 

Quoi qu’il en soit, la prière reste toujours le travail le plus fatiguant et le plus laborieux d’où l’exhortation de l’apôtre Paul : « Soyez assidus à la prière » (Col, 4,2).

(extrait de L'Ancien Ephrem, le disciple rempli de charismes par l'Ancien Joseph de Vatopaidi)

lundi 12 décembre 2016

La prière est le plus grand don de Dieu par Gerondissa Makrina



«Quand quelqu’un a la prière, l’Esprit Saint est actif en son âme, c’est -à-dire qu’il héberge l’Esprit Saint. Remarquez comme on dit souvent à propos de ceux qui ont acquis la prière mentale : «Quel homme! Son visage resplendit!». La prière est une œuvre miraculeuse. Elle est le plus grand don de Dieu, et lorsque l’amour de Dieu vient à l’homme pendant sa prière, c’est comme s’il se baignait dans cet amour. Si nous acquérons la prière, la lumière apparaîtra dans notre âme, ainsi qu’une forme de protection, car Dieu ne nous abandonne pas ; Il nous couvrira de Sa protection. Quand on progresse dans la prière, on comprend certains états que l’on ne pouvait pas même imaginer auparavant. C’est comme si on avançait toujours plus profondément dans la lumière éternelle, tout en se voyant comme de l’intérieur de nous-même. Tout cela arrive suite à une obéissance parfaite et à l’humilité, à une grande précision, évitant de se dire «Ce n’est pas grave, ne nous inquiétons pas. Ne nous soucions pas des choses petites et insignifiantes»

jeudi 8 décembre 2016

Prières pour la Sainte Confession, par saint Nicodème de la Sainte Montagne

Святой Никодим святогорец

Prière avant la Sainte Confession


Ô Père des miséricordes d’avant les siècles, et Dieu attentif à toutes les supplications, moi le misérable, désireux de mettre à l’épreuve ma conscience en regard de mes offenses, je crains grandement et je tremble, parce que la façon dont je vis t’est parfaitement claire, et ni le moindre de mes actes ni aucune de mes pensées ne pourraient être dissimulés à ton regard. Par conséquent, je Te demande en toute humilité, par les miséricordes de Ton Fils unique, de m'accorder la grâce de bien reconnaître, haïr et corriger tous mes péchés. Donne-moi, ô Père des lumières, Ton Saint Esprit, pour me rappeler les péchés que j'ai oubliés, pour contraindre mon cœur à la contrition, et pour me conduire à la repentance pour ces péchés, afin que je puisse les haïr, et capable de m'éloigner de tout péché qui survient. Et toi, ô Vierge Génitrice de Dieu, Mère de miséricorde, et Refuge des pécheurs, nourris-moi, je t'en conjure, et soutiens-moi devant le tribunal de la compassion et de la justice de Dieu, afin que je puisse reconnaître tous mes péchés, les haïr de tout cœur et les confesser. Et de même, ô saint Ange, gardien de mon âme, je te supplie de m'aider dans cette œuvre qui est si nécessaire pour mon salut éternel. Amen.


Prière après la sainte confession


Je te rends grâce de toute mon âme, mon Rédempteur, et par-dessus tout Médecin philanthrope du genre humain, car avec le très précieux baume de Ton Sang Créateur de Vie, Tu guéris les plaies de mon âme, et Tu me purifies de la lèpre de mes péchés. Je connais Ta divine compassion, avec laquelle Tu m'as amené à la repentance, moi le pécheur, trois fois misérable, alors que tant d'autres sont actuellement torturés dans la colère de Ta justice dans l’Hadès. Reçois donc ma confession, je T’en supplie, mon Seigneur, par les intercessions de Ta Mère, la Génitrice de Dieu et toujours Vierge Marie, et de tous tes Saints, et si quelque chose y manque ou est incomplet de quelque façon, daigne y pourvoir par Ta divine compassion et Ton amour pour l'homme, et par la grâce de Ta miséricorde je Te supplie de me pardonner toutes mes transgressions, et de corriger ma conduite, afin de produire des fruits dignes de la repentance, et ainsi, choisissant dans cette présente vie de demeurer résolument dans la vertu, puissé-je devenir digne de participer à ta Divine gloire dans les Cieux. Amen.

jeudi 25 août 2016

La chaleur corporelle durant la prière ?



"Une fois de plus je dois me répéter : tu penses trop vite que les sensations de chaleur corporelle que tu ressens durant la prière sont des signes sûrs d'une grâce, c'est faux! Ce n'est rien de tel : c'est plutôt une tentation du Malin. Accepte ce qui advient dans l'abandon et restes-en là, sans tirer de conclusions hâtives."
Starets Macaire d'Optina
 extrait des Lettres à ses enfants spirituels

vendredi 17 juin 2016

LIVRE DE PRIÈRE ORTHODOXE EN FRANÇAIS


LIVRE DE PRIÈRE EN LANGUE FRANÇAISE

Publié avec la bénédiction de Son Eminence le Métropolite Joseph, de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale.
  • Les prières du matin et du soir,
  • Le diptyque,
  • Les prières de préparation à la confession et à la communion,
  • Les prières d’action de grâce
  • Les prières du Père Sophrony de préparation à la Divine Liturgie,
  • Des prières pour diverses circonstances,
  • Des prières de Saint Silouane,
  • Les offices du jour (vêpres, complies, office de minuit, matines, heures),
  • Les cantiques de l’Ancien Testament,
  • L’hymne acathiste et la paraclisis à la Mère-de-Dieu,
  • L’acathiste pour les défunts,
  • Le canon de la Nativité,
  • Le canon de Pâques,
  • Un calendrier mobile et un calendrier fixe détaillés avec les lectures et les tropaires pour chaque jour de l’année.
  • et bien d'autres prières…



UN LIVRE DE PRIERE PUBLIE EN LANGUE FRANÇAISE PAR LA METROPOLE ORTHODOXE ROUMAINE D’EUROPE OCCIDENTALE ET MERIDIONALE 

”Al. Ioan Cuza” University of Iaș 

1. Argument
Les fidèles francophones de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale bénéficient depuis quelques mois d’un Livre de prière (orthodoxe), publié en langue française par les éditions Apostolia de ce diocèse de l’Église Orthodoxe Roumaine. Très bien organisé du point de vue administratif et très actif sur le plan pastoral-missionnaire, ce diocèse gère ecclésiologiquement les communautés roumaines de l’Europe occidentale. Faisant référence à la pratique liturgique, le mot « fidèle » désigne tout membre (plutôt) pratiquant de l’Eglise chrétienne, implicitement orthodoxe dans ce travail. Ces fidèles sont représentés tant par des Roumains francophones émigrés, installés en France et dans d’autres pays francophones (comme la Belgique et la Suisse), que par des Français devenus orthodoxes, qui font partie des paroisses francophones dépendant du point de vue de leur juridiction canonique de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, dirigée par le Métropolite Joseph (Pop) et l’Évêque Auxiliaire Marc (Alric). La publication de ce livre représente le résultat d’une initiative pastorale, fait prouvé de façon explicite par le lieu de son impression – les éditions de la Métropole – et suggéré de manière implicite par la mise en scène de l’appareil paratextuel de cet ouvrage [Notamment par l’Avant-propos signé par Mgr Joseph, le Métropolite Orthodoxe roumain d’Europe Occidentale et Méridionale] ; on peut certainement le nommer ainsi, étant données les dimensions plutôt impressionnantes de ce livre, qui compte pas moins de 523 pages, en format de poche. 

Ce livre n’est donc pas une simple publication religieuse qui bénéficie de la bénédiction de l’évêque du lieu. Il s’agit d’une publication pastorale, ecclésiastique, d’un livre publié par le diocèse dirigé par Mgr Joseph, et paru aux éditions Apostolia de la Métropole. Dans l’espace de la culture française, il s’ajoute à deux autres livres de prières orthodoxes parus quant à eux aux éditions de deux communautés monastiques, ayant pris l’initiative de leur publication : un Manuel de prières du chrétien orthodoxe (Monastère Saint-Antoine-Le-Grand, Monastère de Solan, 2013 ; deuxième édition revue, 2014) et un Livre de prières orthodoxe (Monastère orthodoxe Saint-Nicolas de la Dalmerie, Le Bousquet d’Orb, 1996). Nous essaierons d’étudier les particularités du Livre « roumain » de prière par rapport à la structure et aux précisions d’usage des deux derniers. 

2. Les livres de prière(s) dans l’Orthodoxie 

Les cultures traditionnellement orthodoxes connaissent une abondance de livre de prières, destinés à la pratique religieuse des fidèles et publiés par des maisons d’éditions diocésaines et/ou monastiques. Les chrétiens orthodoxes désireux de mener une vie de prière personnelle authentique ont toujours fait appel à ce type de livres-manuels qui contiennent les textes conseillés par l’Église à être employés pour s’adresser à Dieu à tout moment de la journée et dans toutes les circonstances de la vie : le matin et le soir, avant de partir en voyage, etc., ainsi que pour honorer tout particulièrement la Mère de Dieu, le Christ, ou bien un saint (ou une sainte) du calendrier dont ils se sentent plus proches. Les grands pères spirituels, censés guider la vie spirituelle des fidèles, ont toujours insisté sur l’importance de ces textes traditionnels, établis par des « maîtres avertis, nourris et abreuvés aux meilleures sources scripturaires et patristiques [...] qui ont bien plus de valeur que tout ce que l’on pourrait inventer soi-même ». (Deseille, 2012 : 130). 

La prière spontanée, « jaillie du fond du cœur » n’est aucunement proscrite, mais pour une bonne concentration de l’esprit et de la pensée, la prière vocale, avec des textes traditionnels est très fortement recommandée. (Deseille, 2012 : 130). 

La France est un pays occidental qui a connu l’Orthodoxie vers le début du siècle dernier, grâce aux émigrations russe et grecque au départ, et ensuite, roumaine, serbe, etc. (Dumas, 2009). Néanmoins, les quelques livres de prières orthodoxes déjà mentionnés ont été publiés assez tard, lors des deux dernières décennies, le premier remontant à 1996 (Livre de prières orthodoxe, imprimé par le Monastère orthodoxe Saint-Nicolas de la Dalmerie) [Nous devons préciser le fait que bien avant la publication de ce livre et, implicitement des deux autres qui constituent le corpus de notre analyse, les orthodoxes francophones semblaient utiliser un livre de prières publié à Paris pour l’usage des chrétiens catholiques orientaux, qui respecte la structure des livres de prières traditionnels de l’Orthodoxie, et qui représente une traduction non signée : Livre de prières à l’usage des Chrétiens de l’Église orthodoxe catholique d’Orient, Paris, 1852: http://fr.wikisource. org/wiki /Livre_de_prières,_1852, consulté le 30 août 2014. ]

Leur publication répond à un besoin spirituel des fidèles orthodoxes francophones, besoin ressenti de façon plus intense en milieu monastique. La raison en est simple et de nature spirituelle : la vie monastique est associée davantage à la pratique plus cohérente et fervente de la prière que la vie des laïcs menée dans le monde (donc, en dehors des monastères). En même temps, la plupart des grands pères spirituels sont des moines, qui connaissent donc l’importance de la prière pour la perfection spirituelle de tout chrétien, ainsi que les besoins de certains fidèles de vouloir poursuivre une vie de prière personnelle fervente, en plus de leur participation aux offices divins, célébrés dans les églises des paroisses ou des monastères qu’ils fréquentent. Les livres orthodoxes de prières sont conçus comme de véritables manuels de prière personnelle, privée, des chrétiens orthodoxes : 

« Dans l’Église orthodoxe, les fidèles fervents ne se contentent pas de participer à la Liturgie eucharistique dominicale [...]. Ils assistent donc fréquemment aux vêpres du samedi soir (qui sont les vêpres du dimanche), aux matines du dimanche et aux vêpres et aux matines de toutes les grandes fêtes. Mais en outre, ils récitent chaque jour une « règle de prière » qui a été approuvée par leur Père spirituel. Ils utilisent ordinairement pour cela des textes contenus dans des manuels composés de prières traditionnelles, élaborés par des maîtres avertis ». (Deseille, 2012 : 129-130). 

Cette finalité est exprimée de façon très claire et explicite par le titre du livre-manuel de prières paru aux éditions des deux monastères-métochia français de Simonos Petra, fondés par le père archimandrite Placide Deseille : Manuel de prières du chrétien orthodoxe. Contrairement aux livres liturgiques donc, utilisés pour le bon déroulement des offices célébrés par le prêtre à l’église, qui contiennent les textes traditionnels des prières communes de l’assemblée liturgique, les livres de prières regroupent des textes destinés à être récités lors des prières privées, personnelles des fidèles, en dehors de l’église, en principe chez eux. 

3. Structure du Livre de prière paru aux éditions Apostolia 

La structure du Livre de prière qui nous intéresse dans ce travail est en grandes lignes identique à celle des livres analogues publiés en Roumanie  (et dans d’autres pays traditionnellement orthodoxes), à quelques exceptions près, dues aux particularités de son lieu de parution. N’oublions pas qu’il s’agit d’un livre publié à Paris pour des fidèles orthodoxes français ou francophones, vivant en terre occidentale. C’est la raison pour laquelle il comprend des prières particulières, en accord avec cette réalité socio-culturelle et géographique, comme le texte intitulé « Prière pour les terres d’Occident, à tous les saints qui y brillèrent » (LP : 53). En même temps, pour des raisons pédagogiques évidentes, Le livre de prière commence par une section consacrée aux prières appelées « usuelles », représentées comme les textes que tout chrétien orthodoxe devrait connaître : il s’agit des prières initiales, du symbole de la foi, du Psaume 50, de la prière des saint Ephrem la Syrien (appelée aussi, dans la culture roumaine, « la prière du Carême »), des prières d’entrée dans l’église ou des prières de la table. La section suivante est intitulée « prières diverses » et comprend les prières du matin et du soir et d’autres textes d’intercession pour différentes personnes et occasions de la vie. Selon la sensibilité des auteurs du livre pour divers textes élaborés dans des cultures plutôt traditionnellement orthodoxes, on retrouve dans cette section des prières particulières, comme la « Prière pour demander le don de la prière » (attribuée à saint Jean de Cronstadt, très aimé en Occident) (LP : 54), ou bien une « Prière lorsque l’on a des mauvaises pensées » (de saint Syméon de la Montagne Admirable) (LP : 55). En même temps, le livre comprend toute une section de prières attribuées à l’un des saints contemporains les plus connus, les plus aimés et les plus vénérés en Occident, saint Silouane de l’Athos (regroupées dans la section intitulée « Prières pour diverses circonstances », notamment spirituelles [Comme le prouvent les noms de ces textes : « Quand l’âme cherche Dieu », « Quand l’âme a soif de l’humilité du Christ mais ne peut l’atteindre », « Prière de l’âme humble qui se souvient toujours de Dieu », etc.]
Comme on peut le lire dans le texte de l’Avertissement inséré en tête du livre, la particularité roumaine de sa composition consiste dans le modèle choisi pour la présentation des offices (les Vêpres, les petites et les grandes Complies, l’Office de Minuit, les Matines, et les Heures), à savoir l’Horologion roumain : « Les offices figurant dans ce livre suivent l’ordinaire du Livre des Heures roumain » (LP : 7). À travers cette affirmation, ce paratexte réalise de façon explicite l’affichage discursif d’une tradition liturgique roumaine en France, à côté des deux grandes traditions considérées normatives en matière d’usage liturgique : grecque et slavonne. Ces traditions sont mentionnées clairement en tant que modèles et sources canoniques d’inspiration dans l’Introduction du Livre de prières orthodoxe paru au monastère Saint-Nicolas de la Dalmerie : 

«Ce livre de prières est bâti sur le Prosevkhytarion grec. Celui-ci utilise principalement l’office monastique de la Liturgie des Heures, de manière abrégée, avec diverses autres prières [...]. À ces prières ont été ajoutées les prières du matin et du soir du Molitvoslov russe, utilisées par un grand nombre d’orthodoxes francophones ». (LPO : 3). 

Le livre de prière publié par les éditions de la Métropole Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale insère donc, à l’intérieur d’un moule roumain traditionnel, spécifique aux livres roumains de prières, plusieurs textes qui, de par leur spécificité spirituelle occidentale, lui confère un fort caractère d’intégration, par la structure du contenu aussi (et non seulement par la langue), dans le paysage confessionnel orthodoxe français contemporain. De plus, nous avons affaire à l’un des livres de prières les plus complets, non seulement le plus riche des trois publiés en France jusqu’à présent, mais aussi l’un des plus complexes des livres analogues parus en Roumanie. Aux textes des prières et des offices s’ajoutent toute une section hymnographique (très riche, qui comprend, par exemple, le Canon de la Nativité et le Canon pascal, avec les beaux textes des stichères des Pâques) et un calendrier liturgique. Le livre s’achève avec un florilège de tropaires (des Saints, de la Résurrection et de tous les jours de la semaine), suivis de l’indication de la distribution liturgique des lectures des cathismes du Psautier et des dyptiques, c’est-à-dire, les listes avec les noms des vivants et des morts (appelés de manière surprenante « trépassés »[Le terme employé d’habitude dans le contexte religieux chrétien et liturgique, en langue française, étant plutôt celui de « défunt ».]), pour lesquels le possesseur du livre de prières se propose de prier. 

Arrêtons-nous un peu sur le titre de ce livre. Pourquoi le nom « prière » y est-il employé au singulier, et non pas au pluriel comme dans l’ensemble de la culture liturgique roumaine et, respectivement, comme dans le cas des deux autres livres de prières orthodoxes publiés en France, en langue française ? Sans vouloir donner l’impression orgueilleuse de posséder la réponse certaine à cette question, il nous semble que nous avons affaire à une sorte de récupération sémantico-discursive de la finalité de ce type de publication, à la mise en évidence du sens de manuel, de guide pour la prière, l’accent étant mis sur l’usage du livre et non pas sur sa composition. De plus, le déterminant « orthodoxe » est absent du titre de ce livre, tant sur la couverture qu’à l’intérieur, sur la page de garde, alors qu’on le trouve, de façon plutôt normale pourrait-on presque dire, dans les titres des deux autres livres de prières parus en France. Une première hypothèse qui pourrait expliquer ceci est celle d’une influence de la part du modèle de la culture roumaine, où l’emploi de ce déterminant dans le titre d’une telle publication est plutôt superflu. Néanmoins, la France est non seulement un pays laïc par excellence, mais de plus, l’Orthodoxie y est très peu représentée, malgré le rayonnement général dont elle jouit en tant que confession chrétienne pendant les dernières décennies. Une deuxième hypothèse pourrait être celle de l’illustration discursive d’une stratégie de politique confessionnelle, d’une discrétion totale quant à la précision de la destination orthodoxe de ce livre, dont la spécificité confessionnelle est suggérée de toute façon, même si implicitement, par la maison d’édition qui le publie et la bénédiction du Métropolite Joseph. 

En tout état de cause, on peut affirmer avec certitude que nous avons affaire au livre de prières orthodoxes le plus complet, publié en langue française, à l’heure actuelle. Cette position de primauté est justifiée à la fois par sa structure diversifiée et la liste quasi exhaustive des prières contenues, que par la notoriété des traductions françaises des prières proposées, sous-tendue par l’autorité spirituelle et théologique incontestable de leur auteur : le père archimandrite Placide Deseille. Dans la diachronie définie par la publication (en France et en langue française) des trois livres de prières orthodoxes qui font partie du corpus de notre analyse, on remarque une évolution incontestable, visible également au niveau de l’ensemble des traductions liturgiques accomplies en langue française, des premières versions du père Denis Guillaume (mentionné par l’auteur de l’Introduction du Livre de prières orthodoxe paru au Monastère Saint-Nicolas de la Dalmerie, les seules qui existaient de tous les textes orthodoxes avant les années 80), vers les traductions unanimement reconnues à l’heure actuelle, puisque supérieures linguistiquement, signées par le père archimandrite Placide Deseille. 

4. La publication en langue française du Livre de prière de la Métropole Roumaine 

Nous voici arrivés ainsi à l’aspect le plus intéressant de la parution de ce livre, à savoir sa publication en langue française, aspect porteur d’un enjeu confessionnel de taille, d’affichage identitaire par intégration linguistique de l’Orthodoxie de tradition roumaine. Ce Livre de prière destiné implicitement aux fidèles de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, car publié par la maison d’édition officielle de ce diocèse occidental du Patriarcat Roumain, est paru donc en langue française et ceci pour plusieurs raisons. La première et la plus importante d’entre elles nous semble être celle de l’intégration, une intégration linguistique affichée de l’Orthodoxie d’expression roumaine dans son pays d’accueil, la France. Il s’agit d’une intégration respectueuse à la foi des contenus culturels-confessionnels universels et traditionnels-roumains de l’Orthodoxie, et de la langue de l’espace géographique et social qui accueille depuis longtemps déjà la pratique de ces contenus. En même temps, la publication de ce Livre de prière en langue française assure visibilité et transparence à cette pratique liturgique de l’Orthodoxie, lui évitant tout risque d’être perçue comme une petite « secte » chrétienne orientale, vécue en roumain, idiome représenté en général en France (en dehors des contextes religieux, liturgiques) comme langue de l’émigration et donc, dévalorisée (notamment à travers les images négatives des tziganes véhiculés par certains medias). (Dumas, 2008). 

Une autre raison de cette option de la publication en langue française de ce Livre de prière est de nature pratique, de compréhension, d’usage de ce livre par des Français « de souche » devenus orthodoxes, et non seulement par des Roumains (orthodoxes) francophones. Elle reflète la réalité d’une évolution de la composition des communautés paroissiales et monastiques qui se trouvent sous la juridiction de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, qui sont de plus en plus mixtes et même parfois, majoritairement françaises. 

Publier un Livre de prière orthodoxe en langue française veut dire publier un recueil de traductions françaises de prières orthodoxes traditionnelles rédigées en général en grec ou en slavon, et parfois même en anglais (comme c’est le cas des prières attribuées à Saint Silouane de l’Athos, mentionnées dans un livre traduit de l’anglais en français par l’archimandrite Syméon, tel qu’on peut le lire dans l’Avertissement du Livre de prière). Qu’en est-il des versions françaises des autres grands textes des prières qui se retrouvent dans le Livre ? Le paratexte non signé de l’Avertissement, consacré entièrement à ce sujet, mentionne assez scrupuleusement les noms des traducteurs de ces prières, en précisant le fait qu’ils ont été parfaitement d’accord avec la reproduction de leurs versions. En fait, les traductions françaises proposées ont été récupérées par rapport à l’autorité spirituelle et théologique de leurs auteurs et à leurs propres qualités linguistiques et littéraires (poético-liturgiques : Meschonnic, 1999). La célèbre question qui préoccupe les acteurs responsables de toute traduction, le « comment traduire » pour bien faire, qui relève de ce que A. Pym appelle l’éthique du traducteur (Pym, 1997) a été réglée de la sorte par la convocation dans ce livre des versions déjà reconnues et unanimement acceptées dans la culture liturgique orthodoxe de langue française : 
« La traduction des Psaumes publiés ici, ainsi que celle des Cantiques de l’Ancien Testament et de nombreuses autres prières, sont du Très révérend Archimandrite Placide, qui nous a aimablement accordé la permission de les publier ». (LP : 7). 
Le traducteur mentionné dans cet incipit de l’Avertissement, moine athonite d’origine française, grand spécialiste en patrologie et l’un des plus grands spirituels orthodoxes français contemporains, jouit d’une si grande reconnaissance en France, dans les milieux orthodoxes en spécial et chrétiens en général, que seul son prénom monastique est précisé, son nom de famille n’étant même pas indiqué. Comme les textes des Psaumes et des Cantiques de l’Ancien Testament se retrouvent dans la plupart des prières et des offices insérés dans le livre, ce sont les traductions françaises du père archimandrite Placide Deseille qui s’y retrouvent le plus. Sont mentionnés ensuite d’autres clercs français et roumains (francophones, de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale) qui ont contribué à la mise en forme française de ce Livre de prière. Comme nous le disions déjà, on remarque une évolution diachronique en matière de circulation et d’usage (et implicitement de prestige linguistique et spirituel) des différentes versions françaises des textes liturgiques orthodoxes mentionnés comme textes de prières dans ce livre. Si aux débuts de leur existence, les communautés orthodoxes francophones de France ne disposaient que des versions françaises des livres liturgiques faites par le père Denis Guillaume [Reproduites, par exemple, dans Le Livre de prières orthodoxe publié au Monastère Saint-Nicolas de la Dalmerie, en 1996, comme il est précisé dans son Introduction. ], de nos jours, après la publication de six traductions en langue française des Liturgies eucharistiques par exemple (Dumas, 2013), le choix des textes des prières s’impose et se fait selon l’autorité spirituelle et théologique des traducteurs et les qualités linguistiques de leurs versions. 

Pour revenir aux deux autres livres de prières orthodoxes de l’espace français, leur publication en langue française peut pratiquement passer inaperçue, apparaissant comme tout à fait normale (dans le sens de naturelle), étant donné leur lieu de parution. Dans les deux cas, il s’agit de communautés monastiques entièrement francophones, dépendant du Patriarcat Œcuménique de Constantinople. Le monastère Saint-Nicolas appartient à la Métropole grecque-orthodoxe de France (Exarchat du Patriarcat Œcuménique) (Samuel, 2008 : 8), l’une des plus anciennes juridictions orthodoxes canoniques de France. Le Livre de prières orthodoxe publié aux éditions de ce monastère s’ouvre avec une Introduction de son fondateur et higoumène (à l’époque), l’archimandrite Benoît. De leur côté, les monastères Saint-Antoine-Le-Grand et de la Protection de la Mère de Dieu (de Solan), fondés par le père archimandrite Placide Deseille (qui est également l’higoumène du premier), sont des métochia français (ou des dépendances) du monastère athonite de Simonos Petra, où les moines et les moniales mènent leur vie monastique selon le typikon de la Sainte Montagne entièrement en langue française. 

5. Pour conclure 

Même si surprenante à un premier abord, la publication en langue française du Livre de prière de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale apparaît comme normale, si l’on réfléchit aux motivations fondamentales et au but principal de cette initiative éditoriale. Comme nous avons essayé de montrer dans ce travail, il nous semble que ce but et ces motivations sont tout d’abord et essentiellement de nature pastorale, certes, mais aussi de nature socio-culturelle. Par le choix du français en tant que langue de publication de ce livre prescriptif de prières (l’emploi au singulier du nom « prière » dans le titre suggérant aussi cette idée de prescription normative, canonique), est visé en fait un affichage identitaire culturel-confessionnel de l’Orthodoxie d’expression roumaine, compris en termes d’intégration des contenus traditionnels orthodoxes roumains par l’intermédiaire du choix du français comme langue-culture (Coracini, 2010), représentée comme support d’expression de l’Orthodoxie universelle. Cette option linguistique, doublée de la mise en évidence du modèle roumain de présentation des offices des heures à l’intérieur du livre, assure en même temps une forte visibilité d’une tradition roumaine bien vivante en France, à côté des deux autres grandes traditions orthodoxes, grecque et slavonne. 

Corpus 
  •  LP = Livre de prière, publié avec la bénédiction de l’Archevêque Joseph, Métropolite d’Europe Occidentale et Méridionale, Paris, éditions Apostolia, 2014. 
  •  MPCR = Manuel de prières du chrétien orthodoxe, Monastère Saint-Antoine-Le- Grand, Monastère de Solan, 2013, deuxième édition revue 2014. 
  •  LPO = Livre de prières orthodoxe, Monastère orthodoxe Saint-Nicolas de la Dalmerie, Le Bousquet d’Orb, 1996. 

Références bibliographiques 
  1. Coracini, Maria José, 2010, « Langue-culture et identité en didactique des langues (FLE) », Synergies Brésil, 2, pp. 157-167. 
  2. Deseille, Placide, archimandrite, 2012, Certitude de l’Invisible. Éléments de doctrine chrétienne selon la tradition de l’Église Orthodoxe, Monastère Saint-Antoine-Le- Grand, Monastère de Solan. 
  3. Dumas, Felicia, 2008, « Imaginaires linguistiques et culturels dans la transmission des langues dites maternelles : le cas du roumain en France », in Sêméion 7, Travaux de sémiologie no 7, « De l’imaginaire linguistique à l’imaginaire culturel », Revue du laboratoire DynaLang-Sem, sous la direction d’Anne-Marie Houdebine, Université Paris Descartes, Faculté des Sicences humaines et sociales – Sorbonne, Paris, mai 2008, p. 55-63. 
  4. Dumas, Felicia, 2009, L’Orthodoxie en langue française – perspectives linguistiques et spirituelles, avec une Introduction de Mgr Marc, évêque vicaire de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, Iaşi, Casa editorială Demiurg. 
  5. Dumas, Felicia, 2013, « La Liturgie eucharistique et l’histoire de sa traduction en langue française », Meta : journal des traducteurs 58(3), décembre 2013, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, p. 542 – 556. 
  6. Meschonnic, Henri, 1999, Poétique du traduire, Lagrasse, Verdier. 
  7. Pym, Anthony, 1997, Pour une éthique du traducteur, Arras, Artois Presses Université, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa. 
  8. Samuel, hiéromoine, 2008, Petit guide des monastères orthodoxes de France, Monastère de Cantauque. 


Article de Felicia DUMAS 

in 
JOURNAL OF ROMANIAN LITERARY STUDIES 
Issue no. 5/2014 


mardi 31 mai 2016

Comment Prier pour le Monde ? par Taras Sidash un vieux-croyant



sur le blog LA LUNETTE DE TSARGRAD

Taras Sidash : Comment Prier pour le Monde?


Taras Sidash
Taras Sidash, naquit en 1972, il vit à Saint Saint-Pétersbourg. Diplômé de l’Institut de Philosophie et de Théologie de Saint-Pétersbourg, il est traducteur du grec ancien, écrivain, poète et philosophe. Une partie de ses écrits viennent récemment d’être publiés, en deux fascinants volumes de plus de mille pages chacun. Orthodoxe, il fait partie depuis 2009 des Vieux-Croyants Unis (единоверие) au sein de l’Église Orthodoxe Russe. Il a publié le texte ci-dessous sur sa page VK le 20 février 2015.


Jusqu’à ce que je fasse connaissance avec les pratiques des Vieux-Croyants, souvent je me demandais comment je pouvais prier pour le monde. Alors, habituellement, je m’imaginais un endroit retiré, un père spirituel sévère, une vie au recueillement intense… Mais comme je n’avais rien de tout cela, rien ne se passait (bien que je vivais alors dans un endroit relativement sauvage, et qu’il m’arrivait de rencontrer des gens très, très sévères), et je repoussais encore et encore la prière pour le monde entier.
Avec le temps, j’en vins à considérer ce projet comme une sorte de rêve romantique, dont la caractéristique inhérente est, comme on le sait, la fugacité. Et puis voilà, au cours des dernières années, j’ai intégré les pratiques qui furent jadis communes à nos ancêtres (donc, pas seulement les moines) et j’ai constaté avec stupéfaction que, sans même m’en rendre compte, j’avais commencé à réaliser cet idéal déjà à moitié oublié au milieu des choses de la vie.
Pour comprendre à quoi je fais allusion, il convient de se représenter la règle domestique quotidienne du laïc au Moyen-âge. Chaque matin et chaque soir, la personne prie de la façon suivante pour ses vivants et ses morts (en plus des prières générales) :

Seigneur miséricordieux, sauve et aie pitié de Tes serviteurs…(noms) (métanie); délivre-les de toute affliction, colère et nécessité (métanie), de toute maladie de l’âme et du corps (métanie), pardonne-leur toute transgression volontaire ou involontaire (métanie); et accorde ce qui est bon pour nos âmes (métanie) (Cette ecténie est répétée trois fois)
Donne le repos, Seigneur, à l’âme de Tes serviteurs défunts … (noms) (métanie) ; et si en tant qu’hommes, ils péchèrent en cette vie, Toi, Dieu qui aime les hommes, pardonne-leur et fais-leur miséricorde (métanie) ; délivre-les des tourments éternels (métanie) ; fais-les participer à Ton royaume céleste (métanie); et accorde ce qui est bon pour nos âmes (métanie) (Cette ecténie est répétée trois fois)
De plus, à la fin des deux repas quotidiens qu’il était coutume de prendre dans la Rus’ du Moyen-âge, celui de midi et celui du soir (les Russes n’avaient pas l’habitude de prendre de petit déjeuner, tout comme les Hellènes et les Romains de l’époque classique), la prière obligatoire d’action de grâce reprenait la prière pour les vivants telle que mentionnée ci-dessus. Ainsi, priant pour ses vivants et ses morts, au cours d’une journée, l’homme faisait quarante métanies.
A cela, il convient d’ajouter les ecténies habituelles (sans noms) du matin et du soir: «pour ceux qui nous haïssent, ceux qui nous ont offensés, ceux qui ont pitié de nous et ceux qui nous soutiennent» (Cette forme de demande est dominante dans les offices de l’Église du rite qui prévaut depuis la réforme du Patriarche Nikon), consistant en sept demandes avec métanies. Cela faisait 54 demandes avec métanies chaque jour (dans les cas où la personne ne participait pas aux offices liturgiques ou ne renforçait pas la règle de base).

Voici ce sur quoi je souhaite attirer ainsi l’attention. Tout d’abord, au minimum quatre fois par jour, la personne se souvient nommément de ses amis et de ses proches. Je puis vous dire qu’au milieu d’une vie dominée par la distraction, il ne s’agit pas d’une mince affaire. L’accomplissement d’une telle règle a pour effet une classification involontaire des parents, amis et connaissances dans les catégories de ceux qui sont toujours commémorés, de ceux qui le sont quand on en a la force, et de ceux qui ne le sont jamais…


En ce qui me concerne, au bout d’un certain temps, j’ai été effaré de constater combien j’étais indifférent (jusqu’à ce que je décide de prier pour eux) envers ceux que je considérais comme des personnes à tout le moins sympathiques. Au cours de la deuxième étape, on fait l’expérience très douloureuse de l’extériorité des personnes les unes vis-à-vis des autres, de l’atomisme de l’existence, non pas de la nôtre propre, mais de celle de tous en général. On comprend alors pourquoi chacune des ecténies se termine par une demande pour nous-même, car on commence à ressentir notre juxtaposition, en tant qu’atome, avec les atomes que sont proches et amis. Et en même temps, on vit cette juxtaposition et on comprend l’anormalité extrême d’une telle situation.
La classification avorte alors complètement et apparaît le souhait de les citer tous, de prier pour tout le monde, et ainsi, de rectifier la situation. Et finalement, si on n’abandonne pas cette discipline, un tout autre horizon commence à se dévoiler, que j’entrevois avec difficulté, et de façon fragmentaire; mais il est nécessaire que j’en dise quelques mots.

Voici comment on peut comprendre cela: c’est comme si la prière pour l’humanité commençait avec la non-prière pour les proches. En découvrant et en dévoilant en soi l’atomisme indifférent, on commence à sortir des limites du concret, on fait l’expérience d’une sorte de loi générale, et de soi-même comme un cas particulier de l’activité de cette loi. Souhaitant s’en extraire, on considère alors ses proches, et on prie pour eux, comme étant une toute dernière planche de salut. On commence réellement à avoir besoin de ses proches et même, par-ci, par-là, à les aimer. Et en même temps, ce proche se transforme lui-même, d’un atome extérieur proche en une partie d’un tout organique dans lequel les uns et les autres sont reliés; et l’autre est déjà l’humanité.
Je ne crains pas de m’exprimer à ce propos avec une pleine certitude : dans la prière pour le prochain, l’homme non seulement trouve un nouveau soi réel, et une nouvelle société réelle ; et l’un et l’autre apparaissent littéralement sous les yeux.
La prière intensive pour le prochain s’avère être la plus authentique «anthropoürgie» et «ecclésiurgie» (activité humaine et activité ecclésiologique), si vous me permettez de tels néologismes. Bien sûr, il s’agit du seuil de la prière pour l’humanité.
Et tout cela commence avec ces affreuses métanies 😉

Traduit du russe.




lundi 23 mai 2016

CONSEILS DU STARETS AMBROISE SUR LA PRIÈRE DE JÉSUS

"Tu me décris dans ta dernière lettre comment une pensée t'a forcé à prier Dieu qu'Il fasse descendre ton esprit dans ton coeur. Mais chez aucun des Saints Pères nous ne voyons que l'un d'eux ait jamais prié ainsi. Il vaut mieux prier humblement :" Ô Seigneur, aie pitié de moi comme Tu le sais, Toi". Nous avons reçu du Seigneur le commandement de prier : Notre Père ! Que ta volonté soit faite ! Mais chez toi on voit partout transparaître, même dans la prière, que tu veux que tout se fasse absolument selon ta volonté, ou selon la suggestion de l'ennemi. Que le Seigneur nous protège de tout mal, en particulier de la fourberie de l'ennemi dont le signe manifeste est la confusion désordonnée, la pensée de vaine gloire, avec ce qui s'ensuit : pensées froides ou désirs du monde, ou encore colère et irritation." (1er mars 1869)

jeudi 25 février 2016

PRIÈRE AVEC ST PORPHYRIE



Ci-dessus un enregistrement rare de St. Porphyrios de Kavsokalyva (2 décembre)
Il prie sur quelques personnes afin qu'elles soient protégées de tout mal et tout dommage. La prière est transcrite ci-dessous pour l'usage commun.

 O Seigneur, sauve ton peuple. Notre Dieu, Père de notre Seigneur Jésus - Christ, accorde à ( nom / nom ) la santé et la force de l' âme et du corps, et protège ( le / la / les ) et bannis de ( lui / elle / eux ) tous sorts, magie et malfaisance. Protège ( le/ la / les ), O Seigneur, et préserve ( le/ la / les ) de tout mal, par les prières de ta mère toute pure et toute sainte, et de tous tes Saints. Amen. Et accorde ( lui/ leur ) prospérité. Amen. Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de nous. 
(version française par Maxime le minime de la source)

vendredi 15 janvier 2016

La prière de Jésus, rien à voir avec de l'individualisme…

J-C Larchet
"L’Ancien Éphrem de Katounakia] : « La parole de l’Évangile : “Demandez et vous recevrez” (Jn 16, 24) fonde le dogme de notre parfaite nullité puisque, comme le dit le Seigneur Lui-même, “sans moi vous ne pouvez rien faire” (Jn 15, 5). » Deuxièmement, le Père Éphrem associe étroitement la prière à l’obéissance, ce qui signifie donc que la prière s’inscrit dans une relation d’amour au père spirituel. Troisièmement, le Père Éphrem souligne l’importance de la prière pour autrui, en particulier pour les affligés, qui est un fruit naturel de la compassion en même temps qu’elle renforce l’amour du prochain.”[…] le reproche d’individualisme fait à la Prière de Jésus par certains théologiens du courant personnaliste moderne est injustifié. Premièrement, la prière bien menée présuppose la pratique des vertus, en particulier l’humilité, qui signifie un effacement de son propre moi au profit de Dieu. Comme le dit fortement l’auteur de ce livre [

J-C Larchet