mercredi 16 juillet 2014

SUR LA PRIÈRE (10) par St JEAN CHRYSOSTOME : la prière a la vertu d'incliner les naturels les plus mauvais à la clémence et à la miséricorde

Instruisons-nous de la sagesse cachée dans ces paroles de l'Esprit, et approfondissons-les, sinon autant quelles le permettraient, du moins autant que cela nous sera possible. Les gens qui vivent sur les flots descendent dans les entrailles de 1’abîme pour rapporter aux habitants du continent des pierres précieuses. Nous aussi qui parcourons l’océan des divines Écritures, pénétrons selon nos forces dans les entrailles de cette sagesse spirituelle, afin de vous rapporter des trésors sous lesquels vos âmes brilleront avec plus de splendeur que le front des monarques sous leurs couronnes de pierreries. La beauté de ces couronnes-ci a pour limites la vie présente ; mais celui qui donne pour couronne à son âme les sentences de l'Esprit, outre qu’il jouit durant la vie présente d'une sécurité parfaite, s'approche, après avoir quitté ce monde, du tribunal du Christ, riche en vertu et pur de toute souillure. Quel trésor vous rapporterons-nous donc de l’abîme des Écritures, encore que nous ne descendions pas au plus profond de cette sagesse, et que nous ne le fassions que dans la mesure qui nous est permise. Pour attirer les hommes a la prière et pour frapper nos âmes des avantages qu’elle procure, le Christ met sous nos yeux un juge méchant et cruel, dont les yeux étaient étrangers à toute pudeur, et qui avait chassé la crainte de Dieu de son âme. ll eût suffit pourtant de l'image d’un juge miséricordieux et juste, et du rapprochement de sa justice avec la bonté de Dieu, pour montrer la vertu de la prière. Si un homme bon et doux accueille avec bienveillance les supplications de ses semblables, à plus forte raison Dieu les accueillera-t-il, lui dont la miséricorde sans mesure surpasse et notre pensée, et celle des anges eux-mêmes. Il eût donc suffi, comme je le disais tout à l'heure, de nous offrir l'image d'un juste juge. S'il introduit un juge cruel, impie, sans entrailles, dur avec les autres, doux et humain avec ceux qui le prient, c'est pour vous enseigner que la prière a la vertu d'incliner les naturels les plus mauvais a la clémence et à la miséricorde. Pourquoi le Christ a-t-il employé cet exemple? Afin que personne n'ignorât la vertu de la prière. C'est après nous avoir offert le spectacle d'une veuve en présence du plus scélérat des hommes, et nous avoir montré l'humanité contre nature de celui-ci, qu'il passe de ce misérable à son Père si bon, si doux, si bienveillant, si miséricordieux, qui s'élève au-dessus des iniquités, qui pardonne des péchés innombrables, qui supporte les blasphèmes dont on l'accable chaque jour, qui souffre que les démons soient honorés sous ses yeux, tandis qu'on l'outrage lui-même, tandis qu'on blasphème son Fils et qu'on ajoute les crimes aux crimes. S'il supporte ces indignités avec tant de mansuétude, lorsqu'il nous verra nous prosterner devant lui avec la crainte convenable, est-ce qu'il n'aura pas bientôt pitié de nous? Écoutez ce que dit le juge d'iniquité : "Quoique je ne craigne pas Dieu et que je ne respecte pas les hommes, néanmoins à cause des ennuis que cette veuve me suscite, je lui rendrai justice." Quoi donc! ce que la crainte n'aurait pu faire, la prière l’aurait-elle fait ? Ni les menaces, ni la crainte du châtiment n'avaient déterminé cet homme à remplir son devoir : une veuve se présente et, par ses supplications, adoucit ce monstre sauvage. Que penser après cela de Dieu, qui est si bon, puisqu'une veuve suppliante a fléchi de la sorte un juge cruel? Quelle bienveillance, quelle miséricorde Dieu nous témoignera-t-il, lui qui veut toujours pardonner et ne jamais punir ; lui qui, dans son extrême charité, nous menace de ses châtiments, et nous offre de magnifiques récompenses, afin que l'espérance d’un côté nous anime à la vertu, et que la crainte de 1’autre nous éloigne du vice! Je ne puis détacher ma pensée de ce juge d'iniquité, parce que j'aperçois à travers sa douceur si peu naturelle l'ineffable bonté de Dieu. Ce juge qui n'avait jamais voulu faire quoi que ce soit de bon, change en un instant et prend pitié d’une suppliante : de quelle sollicitude de la part du Ciel ne serons-nous pas redevables à la prière? Si vous désirez connaître la vertu et la puissance d'une sainte prière, examinez et considérez les biens dont jouissent chaque jour et à chaque instant les fidèles qui ne cessent de prier le Seigneur. Qui ne sait que la lumière du soleil, des étoiles et de la lune, qu’un air sain, que des aliments de toute sorte, que les richesses, la vie et une infinité de biens, Dieu les dispense également à tous les hommes,aux justes comme aux impies, tant est grande sa bonté envers nous? S’il traite tous les jours avec une miséricorde et une générosité pareilles des êtres qui ne le prient pas et ne lui demandent rien, de quels biens ne comblera-t-il pas ceux qui passent toute leur vie à l’implorer et à le prier? (à suivre)