La PRIÈRE du SEIGNEUR




LA PRIÈRE DU SEIGNEUR - ΠΑΤΕΡ ΗΜΩΝ

Πάτερ ἡμῶν ὁ ἐν τοῖς οὐρανοῖς ·
ἁγιασθήτω τὸ ὄνομά σου ·
ἐλθέτω ἡ βασιλεία σου ·
γενηθήτω τὸ θέλημά σου, ὡς ἐν οὐρανῷ καὶ ἐπὶ τῆς γῆς ·
τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον ·
καὶ ἄφες ἡμῖν τὰ ὀφειλήματα ἡμῶν,
ὡς καὶ ἡμεῖς ἀφίεμεν τοῖς ὀφειλέταις ἡμῶν ·
καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν,
ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ τοῦ πονηρο




Il ne faut pas penser qu'il y a une seule version de la prière du Seigneur 
(la "bonne"),
 allez voir sur ce merveilleux site !



Voici quelques traductions en français :



Français (Assemblée des évêques orthodoxes de France): Notre Père
Français: Notre Père
Français (La plus ancienne traduction connue en français - XIIe siècle): Li nostre Perre
Français (XIIe siècle v2): Sire Pere
Français (Anglo-Norman du XIIe siècle): Li nostre Pere
Français (XIIIe siècle): Nostre Peres
Français (Raoul de Presles, fin XIVe siècle): Nostre Pere
Français (Piccard XVe siècle): Peres nostres
Français (Bible protestante XVIe siècle): Nostre pere
Français (Clément Marot XVIe siècle): Pere de nous
Français (Bible protestante du XVIe siècle Pierre Robert Olivetan): Nostre Pere
Français (Confession de foi de Genève XVIe siècle Jean Calvin): Nostre Pere
Français (Traduction catholique du XVIe siècle Yves d'Evreux): Nostre Pere
Français (Bible Protestante du XVIIe siècle Maresior): Nostre pere
Français (Bible catholique du XVIIe siècle Lemaitre de Sacy): Notre Pere
Français (Bible Protestante du XVIIIe siècle David Martin): Nostre pere
Français (Bible Catholique du XVIIIe siècle Richard Simon): Nôtre pere
Français (Bible Protestante du XIXe siècle J.-F. Ostervald): Nostre pere
Français (Bible Protestante du XIXe siècle Darby): Notre Père
Français (Bible Catholique du XIXe siècle Augustin Crampon): Notre Père
Français (Traduction Louis Segond 1881): Notre Père
Français (La Version Synodale 1910): Notre Père
Français (Traduction par spécialiste de l'Hébreu Paul Joün 1930): Notre Père
Français (Traduction par Émile Osty 1948): Notre Père
Français (La Bible de Jérusalem 1950): Notre Père
Français (La Bible en français courant 1982): Notre Père
Français (Traduction Œcuménique de la Bible 1988): Notre père
Français (Traduction d'André Chouraqui 1989): Notre père
Français (Français fondamental 1990): Notre Père
Français (Traduction de Claude Tresmontant 1991): notre père
Français (Bible de la Liturgie 1993): Notre Père
Français (Bible du Semeur 2000): Notre Père
Français (Bible "des écrivains" Bayard 2001): Notre Père
Français (Nouvelle Bible Segond NBS 2002): Notre Père
Français (Traduction Littérale par Louis Pernot): Notre Père
Français (Traduction Explicative par Louis Pernot): Notre Père


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Commentaire du Notre Père par St Maxime le Confesseur

1. "Notre Père qui es aux cieux, sanctifié soit ton nom, vienne ton règne"

Tout d'abord, par ces mots, le Seigneur enseigne à ceux qui prient de commencer comme il convient par la theologia, et il les conduit au mystère du mode de l'existence de la Cause Créatrice des êtres, lui qui est par essence la cause des êtres. En effet, les mots de la Prière montrent le Père, le Nom du Père et le Règne du Père pour nous enseigner à partir du Principe lui– même à honorer, à invoquer et adorer la Trinité Une. Car le Nom de Dieu le Père qui subsiste essentiellement, c'est le Fils Unique; et le Règne de Dieu le Père qui subsiste essentiellement, c'est l'Esprit Saint. En effet ce qu'ici Matthieu appelle « Règne », un autre évangéliste l'appelle ailleurs Esprit Saint : « Que vienne ton Esprit Saint et qu'il nous purifie. » En effet le Père n'a pas un Nom reçu d'ailleurs, et nous ne devons pas penser le Règne comme une dignité considérée postérieurement à lui. Car il n'a pas commencé à être pour commencer aussi à être Père ou Roi, mais lui qui est toujours il est aussi toujours Père et Roi, n'ayant absolument pas commencé à être, ni à être Père ou Roi. Et si lui qui est toujours, il est aussi toujours Père et Roi, alors aussi toujours le Fils et l'Esprit ont subsisté essentiellement avec le Père; ils sont naturellement à partir de lui et en lui, au delà de la cause et de la raison, mais ils ne sont pas après lui, comme s'ils étaient advenus postérieurement en tant que causés par lui. Car la relation possède la capacité de montrer l'un dans l'autre en même temps ceux dont elle est et est dite relation, en ne permettant pas qu'ils soient considérés l'un après l'autre.
Donc le commencement de cette prière nous conduit à honorer la Trinité coessentielle et suressentielle, en tant qu'elle est la Cause créatrice de notre venue à l'être.
En outre, il nous enseigne aussi à nous annoncer à nous-mêmes la grâce de la filiation, puisque nous sommes dignes d'appeler Père par grâce celui qui par nature nous a créés. Ainsi, par respect pour l'invocation de celui qui nous a fait naître selon la grâce, nous nous empressons de signifier dans notre manière de vivre l'empreinte de celui qui nous a fait naître : nous sanctifions son Nom sur la terre en l'imitant comme un Père, en nous montrant ses enfants par nos actions et en magnifiant par nos pensées et nos actes le Fils du Père par nature qui opère lui– même la filiation.
Nous sanctifions le Nom du Père par grâce dans les cieux en mortifiant évidemment la concupiscence pour la matière et en nous purifiant des passions corruptrices, puisque la sanctification c'est l'immobilité totale et la mortification de la concupiscence des sens. Parvenus à cela, nous assoupissons les aboiements inconvenants de l'agressivité qui n'a plus, pour l'exciter et la persuader de se laisser vaincre par les plaisirs familiers, la concupiscence qui est déjà mortifiée par la sainteté conforme au principe (logos) de nature.
En effet l'agressivité, qui par nature vient à la rescousse de la concupiscence, cesse naturellement de se mettre en furie quand elle a vu la concupiscence mortifiée.
C'est donc à bon droit qu'après le rejet de l'agressivité et de la concupiscence, vient, d'après la Prière, la possession du Règne de Dieu le Père pour ce qui, après les avoir rejetées, sont dignes de dire « Vienne ton Règne », c’est-à-dire ton Esprit Saint. Par le principe (logos) et le mode (tropos) de la douceur, ils sont déjà faits temples de Dieu par l'Esprit (Ep 2/21-22). En effet il est dit: «Sur qui donc me reposerai– je sinon sur celui qui est doux, sur celui qui est humble et qui craint mes paroles? » (Is 66/2). D'où il est visible que le Règne de Dieu le Père appartient aux humbles et aux doux. Car est– il dit, « Bienheureux les doux, car ils hériteront de la terre » (Mt 5/4). Ce n'est pas cette terre qui occupe par nature la place médiane de l'univers que Dieu a promise en héritage à ceux qui l'aiment, s'il dit vrai en disant : « Quand ils ressusciteront des morts, ils ne prendront ni femme ni mari, mais ils seront comme les anges dans le ciel » (Mt 22/30) et : « Venez les bénis de mon Père, vous hériterez du Règne préparé pour vous depuis la fondation du monde » (Mt 25/34). Et ailleurs de nouveau à un autre qui servait avec bienveillance : « Entre dans la joie de ton Seigneur» (Mt 25/21). Et après lui le divin Apôtre: « Car la trompette sonnera, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers, incorruptibles; ensuite nous les vivants, qui restons encore là, en même temps qu'eux, nous serons ravis dans les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur » (1 Co 15/52 et 1 Th 4/15-17).

Puisque de telles promesses ont été faites à ceux qui aiment le Seigneur, qui donc dirait – s'il a fixé son intellect aux seules paroles, s'il est mû par le Verbe et s'il désire être serviteur du Verbe – que le « ciel », le « Règne préparé depuis la fondation du monde », la joie mystérieusement cachée du Seigneur, le séjour et la demeure continuels et absolument sans interruption de ceux qui sont dignes avec le Seigneur, sont en quelque sorte identiques à la terre ? Au contraire je pense pouvoir dire maintenant que la terre, c'est ce comportement et cette puissance que les doux ont fermement et tout à fait immuablement fixés dans le bien de l'immutabilité : parce qu'ils sont toujours avec le Seigneur, ils portent une joie sans éclipse, ils ont obtenu le Règne préparé depuis l'origine et ont été jugés dignes de se tenir et d'être placés dans le ciel, comme une terre occupant la position médiane de l'univers, c’est-à-dire le principe (logos) de la vertu. Selon ce principe, le doux, au milieu entre le bien et le mal qu'on dit de lui (2 Co 6/8), demeure dans l'apatheia, sans être enflé par ce qu'on dit de bien, ni attristé par ce qu'on dit de mal. Car ce dont par nature elle est libre, après avoir repoussé le désir, la raison (logos) n'est pas sensible à ses assauts quand cela la trouble : elle s'est reposée de toute agitation à ce sujet et elle a amarré toute la puissance de l'âme à l'immobile liberté divine. Voulant en faire don à ses disciples, le Seigneur dit : « Chargez– vous de mon joug et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos pour vos âmes» (Mt II /29). Il appelle repos la possession du Règne divin, en tant qu'elle produit en ceux qui sont dignes une souveraineté débarrassée de toute servitude.
Si la possession inamissible du Règne indestructible est donnée aux humbles et aux doux, qui serait à ce point sans amour et sans désir des biens divins pour ne pas tendre à l'extrême vers l'humilité et la douceur pour devenir – autant qu'il est possible à l'homme – l'empreinte du Règne de Dieu en portant en lui par la grâce la configuration exacte en Esprit au Christ, qui est en vérité naturellement par essence le grand Roi ?
Dans cette configuration, dit le divin Apôtre, « il n'a plus ni mâle ni femelle» (Ga 3/28) : c'est- à- dire ni agressivité ni concupiscence. En effet l'agressivité détruit tyranniquement l'exercice de la raison et fait sortir la pensée de la loi de la nature. Et la concupiscence rend les êtres qui sont après la Cause et Nature unique, seule désirable et impassible, plus désirables que Celle-ci. Par là elle rend la chair plus appréciable que l'esprit et la jouissance de ce qui est visible plus agréable que la gloire et l'éclat de l'intelligence. Par la douceur du plaisir des sens, elle écarte l'intellect de la perception divine des intelligibles qui lui est connaturelle. Mais [dans cette configuration, il n'y a plus] que la raison toute seule, qui s'est dépouillée par un surcroît de vertu de cette tendresse et affection, tendresse et affection qui sont non seulement sans passion mais qui sont également naturelles pour le corps. L'esprit est alors parfaitement maître de la nature et persuade l'intellect d'abandonner la philosophie morale quand il doit s'unir au Verbe suressentiel par la contemplation simple et indivise (même si la raison pratique contribue naturellement à ce que l'intellect se coupe facilement de ce qui s'écoule dans le temps et le dépasse). Ce dépassement accompli, il n'est pas raisonnable d'imposer comme une mélote (lourd manteau) le fardeau du mode de vie selon la morale à celui qui s'est montré détaché des choses sensibles.
Et c'est ce mystère que montre clairement le grand Élie en en donnant en figure l'exemple dans ses actions (2 R 2/11). D'une part pendant son rapt, il donne à Élisée sa mélote (je veux dire la mortification de la chair par laquelle il a affermi la magnificence de la bonne ordonnance morale) pour qu'elle s'allie avec l'Esprit dans le combat contre toute puissance adverse et pour qu'il en frappe la nature instable et fluente (figurée par le Jourdain) afin que le disciple ne soit pas empêché de traverser en direction de la Terre sainte et ne soit pas englouti par le côté trouble et glissant du penchant pour la matière. D'autre part, quant à lui, il s'avance vers Dieu, libéré, n'étant soumis à absolument aucune relation aux êtres, simple en son désir et sans composition en son libre vouloir; il fixe son séjour auprès de Celui qui est simple par nature, à travers les vertus générales gnostiquement attelées les unes aux autres comme des chevaux de feu. Il savait en effet qu'il faut au disciple du Christ se tenir à l'écart des dispositions inégales dont les différences prouvent l'hostilité (car la passion de concupiscence produit un épanchement de sang autour du cœur et un mouvement d'agressivité produit évidemment le bouillonnement de ce sang). Parvenu à avoir la vie, le mouvement et l'être en Christ (Ac. 17/28), il avait éloigné de lui l'origine discordante des inégalités et il ne portait plus en lui les dispositions contraires – disais– je – de ces passions, à l'instar de (l'opposition] mâle– femelle. Ainsi la raison n'est pas asservie par elles, étant demeurée étrangère à leurs changements instables. En elle a été naturellement infusée la majesté de l'image divine pour persuader l'âme de se transformer par son libre vouloir à la ressemblance de Dieu et d'appartenir au grand Règne qui subsiste essentiellement avec le Dieu et Père de toutes choses; elle devient une habitation toute resplendissante de l'Esprit Saint qui reçoit – s'il est permis de le dire et selon qu'elle est capable – le pouvoir tout entier de connaître la nature divine. Par ce pouvoir est écartée l'origine de ce qui est inférieur et subsiste naturellement celle de ce qui est supérieur; l'âme pareillement à Dieu gardant intacte en elle par la grâce de sa vocation l'hypostase des biens qu'elle a reçus. Par ce pouvoir, le Christ naît toujours mystérieusement et volontairement, s'incarnant à travers ceux qui sont sauvés; il fait de l'âme qui l'enfante une mère vierge qui – pour parler bref – ne porte pas les marques de la nature soumise à la corruption et à la génération dans la relation entre mâle et femelle.

Que nul ne s'étonne donc d'entendre la corruption placée avant la génération. En effet celui qui examine sans passion et avec une raison droite la nature de ce qui vient à l'être et de ce qui s'en va, trouvera clairement que la génération prend son commencement de la corruption et s'achève dans la corruption. Les passions caractéristiques de cette génération et de cette corruption – comme je le disais – le Christ ne les possède pas (c'est- à-dire le mode de vie – et la raison du Christ et selon le Christ), si du moins est véridique celui qui dit: « Car en Christ, il n'y a ni mâle ni femelle» (Ga 3/28) (montrant évidemment par là les caractéristiques et les passions de la nature soumise à la corruption et à la génération), mais il y a seulement un principe (logos déiforme créé par la connaissance divine et un mouvement unique du libre vouloir qui choisit la seule vertu.
« Ni grec, ni juif» (Ga 3/28). Cela signifie des conceptions (logos) différentes ou – pour parler avec plus de vérité opposées de la notion de Dieu. L'une [la grecque] introduit de façon insensée une multiplicité de principes et partage le principe unique en énergies et puissances opposées : elle se façonne un culte polythéiste plein de dissensions par la pluralité de ce qu'on adore et risible à cause des manières (tropoi) différentes d'adorer. L'autre [la juive] introduit un principe unique, mais mesquin et imparfait, presque inconsistant, comme dépourvu de raison et de vie; par des voies contraires elle tombe dans le même mal que la première conception, l'athéisme: elle limite à une personne unique l'unique principe qui subsisterait sans le Verbe et sans l'Esprit, ou qui serait qualifié par le Verbe et par l'Esprit; elle ne voit pas quel Dieu serait ce Dieu qui n'a point part avec le Verbe et l'Esprit, ni comment il serait Dieu en ayant part avec eux comme avec des accidents, par une participation proche de celle des êtres rationnels soumis à la génération. En Christ il n'y a – comme je l'ai dit – aucune de ces conceptions, mais uniquement une conception de vraie piété, une solide loi de théologie mystique qui refuse de distendre la divinité comme la première conception et n'accepte pas de la comprimer comme la seconde. Ainsi n'y a-t-il pas dissension par une pluralité des natures [à la grecque] ni admission de l'unicité d'hypostase [à la juive], parce que, privé du Verbe et de l'Esprit ou qualifié par le Verbe et par l'Esprit, le divin n'est pas honoré comme Intellect, Verbe et Esprit. [Cette pieuse conception] nous apprend, à nous qui avons été introduits à la parfaite connaissance de la vérité par la vocation de la grâce selon la foi, à connaître qu'unique est la nature et la puissance de la Divinité, et donc qu'il y a un Dieu unique contemplé dans le Père, le Fils et le Saint– Esprit; c'est-à-dire un Intellect unique subsistant essentiellement sans être causé, qui a engendré l'unique Verbe subsistant sans principe selon l'essence, et qui est la source de l'unique Vie subsistant essentiellement de manière éternelle comme Esprit Saint. [Dieu est] Trinité en Unité et Unité en Trinité,
– non une autre en une autre. Car la Trinité n'est pas pour l'Unité comme un accident dans une essence, ni à l'inverse, l'Unité dans la Trinité, car elle n'est qualifiée;
– ni comme une autre et une autre. Car l'Unité ne diffère pas de la Trinité par une différence de nature, puisqu'elle est une nature simple et unique;
– ni comme une autre après une autre. Car la Trinité ne se distingue pas de l'Unité par une diminution de puissance, ni l'Unité de la Trinité. Et l'Unité ne se distingue pas de la Trinité comme quelque chose de commun et de général à des parties qu'on considérerait uniquement par la seule pensée, puisqu'elle est une essence qui existe proprement par elle-même et une puissance qui a réellement sa propre force;
– ni comme une autre à travers une autre. Car il n'y a pas de médiation de relation, comme de l'effet à la cause, entre ce qui est totalement identique et sans relation;
– ni comme une autre à partir d'une autre. Car la Trinité n'est pas produite à partir de l'Unité, puisqu'elle est sans venue à l'être et se produit elle-même au jour.
Au contraire, nous disons et pensons que la même est en vérité Unité et Trinité; Unité selon le principe (logos) de l'essence et Trinité selon le mode (tropos) de l'existence.
La même est tout entière Unité sans être partagée par les Hypostases, et la même est tout entière Trinité en qui l'Unité n'entraîne pas de confusion. Ainsi n'introduit– on pas de polythéisme par un partage, ni d'athéisme par une confusion. Fuyant l'un et l'autre, resplendit la conception [de Dieu] selon le Christ. J'appelle conception chrétienne la proclamation nouvelle de la vérité: « En lui il n'y a ni mâle ni femelle » (CoI3/n) – c’est- à-dire pas de marque ni de passions de la nature soumise à la corruption et à la génération – « ni grec ni juif» – c’est- à-dire pas de conceptions opposées sur Dieu – « ni circoncision ni incirconcision» – c’est-à-dire pas de religions différentes issues de ces conceptions opposées. La religion de la circoncision, à travers les symboles de la Loi, considère comme mauvaise la création visible et accuse le Créateur d'être l'auteur des maux. La religion de l'incirconcision déifie, à cause des passions, la création visible et dresse la créature contre le Créateur. Tous deux ensemble aboutissent au même mal, l'injure à Dieu. «Ni barbare ni Scythe » – c’est-à-dire pas de distension du libre vouloir qui pousse une nature unique à se révolter contre elle- même. Par cette distension s'est introduite parmi les hommes pour les détruire la loi antinaturelle qui les fait s'entretuer. «Ni esclave ni homme libre » – c’est-à-dire pas de division d'une même nature en opposition avec le libre vouloir. Cette division fait mépriser celui qui est par nature digne du même honneur et elle a pour corollaire l'attitude des despotes qui tyrannisent la dignité de l'image [divine]. «Mais le Christ est tout en tous» (Col 3/11), lui qui, par ce qui surpasse la nature et la loi, opère la configuration dans l'Esprit au Royaume sans commencement, configuration naturellement caractérisée – comme il a été montré – par l'humilité et la douceur du cœur. Leur concours fait voir la perfection de l'homme créé selon le Christ (Col 1/28). En effet tout homme humble est aussi tout à fait doux et tout homme doux est aussi tout à fait humble : humble parce qu'il sait que son être lui vient d'un prêt, doux parce qu'il sait utiliser les puissances naturelles qui lui ont été données; parce qu'il les met au service de la raison (logos) pour faire naître la vertu, et parce qu'il réprime parfaitement leur activité sensible. C'est pourquoi cet homme est toujours en mouvement vers Dieu par son intellect ; même s'il fait l'expérience simultanée de tout ce qui peut affliger le corps, il ne se meut nullement selon ses sens et il n'imprime en son âme aucune trace d'affliction pour l'y substituer à une attitude joyeuse, car il ne pense pas qu'une souffrance sensible soit une privation du bonheur. En effet il sait qu'il n'y a qu'un seul bonheur : la vie commune de l'âme avec le Verbe dont la privation est une mutilation éternelle qui circonscrit naturellement tous les âges. Et c'est pourquoi, abandonnant son corps et tout ce qui est du corps, il se porte intensément vers cette vie commune avec Dieu, pensant que le seul dommage – même s'il était maître de tout ce qu'il y a sur la terre – serait d'être frustré de la divinisation de grâce qu'il poursuit.
Purifions-nous donc de toute souillure de la chair et de l'esprit (2 Co 7/1) afin de sanctifier le Nom de Dieu en étouffant la concupiscence qui courtise les passions de manière inconvenante et, par la raison, enchaînons l'agressivité que les plaisirs incitent à une fureur désordonnée. Ainsi nous accueillerons le Règne de Dieu le Père qui vient par la douceur