« Dans cette phase, nous devons faire un effort conscient et souvent ardu pour prier. Selon la Tradition orthodoxe - et c'est là un point où elle diverge de la tradition catholique romaine telle que celle-ci s'est développée surtout depuis la fin du Moyen Âge et le XVIe siècle - cette phase active de la vie de prière est caractérisée non par ce qu'on appelle en Occident l'oraison discursive ou « méditation », mais par la prière vocale. La forme normale de prière, tant que celle-ci ne jaillit pas spontanément du cœur sous la motion intime du Saint-Esprit, sera la prière vocale, mais attentive. Ceci est extrêmement important: selon une expression sans cesse reprise par les auteurs orthodoxes, et qui remonte à saint Jean Climaque : « Il faut enfermer l'intellect dans les mots. » Dans un ouvrage sur le monachisme russe, le père Victor Arminjon résume ainsi l'enseignement d'un grand spirituel russe du XIXe siècle, le saint évêque Ignace Briantchaninov : « Il se montre tout à fait sceptique à l'égard d'une soi-disant prière personnelle qui trouverait son aliment dans l'imagination, l'amour-propre mal camouflé, la sensibilité insuffisamment contrôlée. Au moine rentré dans sa cellule, après avoir exercé consciemment sa fonction de prière publique et officielle [offices chantés et récités au chœur pendant de longues heures, sans interruption], il propose un autre office de prières individuelles, à réciter tout seul. Il insiste pour qu'on y soit fidèle. Il affirme que la répétition de prières traditionnelles, élaborées par des maîtres avertis, nourris et abreuvés aux meilleures sources scripturaires et patristiques - les meilleures sources étant les Pères de l'Église et l'Écriture sainte - a bien plus d'importance et de valeur que tout ce que l'on pourrait inventer de soi-même. Ces prières "de règle" en même temps que "privées", bien rodées par les moines au cours des siècles, offrent une richesse d'expression et un rythme poétique « qui n'interdisent pas un légitime agrément pour celui qui les récite ». Cette "règle de prière" est donnée au moine par son père spirituel, qui l'adapte en fonction de l'état spirituel et des besoins de chacun.»
Geronda Placide Deseille
(in Propos d'un moine orthodoxe Le Thielleux 2010)
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