"Quelle est cette vertu, disent-ils, de livrer son âme jour et nuit à la joie et au contentement ? Est-il possible d’ailleurs d’y parvenir au milieu de cette foule de maux imprévus dont nous sommes sans cesse assaillis, qui attristent nécessairement l’âme, et qui font qu’il est plus impossible d’être joyeux et satisfait, que de ne pas sentir de douleur lorsqu’on est plongé dans une chaudière bouillante, ou qu’on est percé de la pointe d’une épée. Parmi ceux qui nous écoutent maintenant, il est peut-être quelqu’un qui déraisonne de la sorte, et qui, pour excuser sa lâcheté à observer les préceptes, reproche au législateur qu’il ordonne des choses impossibles. Puis-je, dit-il, goûter une joie perpétuelle, lorsque les sujets de me réjouir ne dépendent pas de moi ? Ce qui cause de la joie est hors de nous et ne dépend pas de nous ; la présence d’un ami, un long commerce avec ceux de qui nous tenons le jour, des richesses qu’on acquiert, des honneurs qu’on reçoit, le passage d’une maladie dangereuse à la santé, une maison qui regorge de biens, une table chargée de mets délicats, des amis qui partagent notre satisfaction, des paroles et des spectacles agréables, la santé des personnes qui nous touchent le plus près, en un mot, toutes les prospérités et tous les honneurs de la vie. Non seulement les choses fâcheuses qui nous arrivent à nous-mêmes nous chagrinent, nous sentons encore les disgrâces de nos amis et de nos proches. Ainsi la joie et le contentement de l’âme résultent du concours de tous ces objets. Outre cela, si nous voyons la chute de nos ennemis, des accidents arrivés à ceux qui nous ont fait du mal, les succès de ceux qui nous ont obligés, enfin si nous n’éprouvons ni ne craignons aucun des maux qui troublent notre vie, c’est alors que notre âme pourra être dans la joie. Comment donc nous donne-t-on un précepte qui ne dépend pas de nous, mais de causes étrangères ? Comment aussi prierai-je sans cesse, lorsque les nécessités corporelles cause à l’âme une infinité de distractions, et l’occupent tellement qu’il lui est impossible, vu les bornes de sa nature, de se livrer à d’autres soins ? Il m’est encore ordonné de rendre grâce à Dieu en toutes choses. Lui rendrai-je donc grâce étant mis à la torture, déchiré de coups de fouet, étendu sur la roue, attaché au chevalet, les yeux arrachés, diffamé par un ennemi, mourant de froid et de faim, privé tout à coup de mes enfants ou de ma femme, ruiné subitement par un naufrage, tombé entre les mains des voleurs ou des pirates, couvert de blessures, noirci de calomnies, menant une vie errante ou languissant dans une prison ? Voilà, sans parler de beaucoup d’autres, les reproches qu’on fait au législateur ; voilà comment on croit excuser ses fautes, en décriant les préceptes comme impossibles." in Homélies, discours et lettres choisis de saint Basile le Grand, traduits par M. l’Abbé Auger, Guyot, Lyon 1927 (à suivre)
mardi 13 juin 2017
St Basile Le Grand : comment toujours rendre grâce [1]
"Réjouissez-vous toujours, priez sans cesse, rendez grâces à Dieu en toutes choses" St Apôtre Paul (1 Th 5, 16)
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