Dans un forum orthodoxe il y eut naguère un débat sur la traduction en français la plus juste et la plus judicieuse de la prière la plus courte de notre Eglise et que l'on répète le plus souvent parce qu'elle contient en un extraordinaire condensé toute notre relation à Dieu ; il en ressortait que l'expression la plus précise et en même temps la plus riche de sens était "Accorde ta grâce !" le mot grâce signifiant à la fois le don de Notre Père des Cieux de sa grâce qui pardonne à ses enfants pécheurs repentants et le don de notre généreux Créateur, son onction, sa bénédiction, qui divinise le chrétien appelé à retrouver la ressemblance à son image divine native.
Et c'est en effet au point de vue du sens bien plus satisfaisant que le simple "Aie pitié !" qui pour avoir ses vertus, n'en a pas moins eu fâcheusement tendance à restreindre l'image de Dieu à un Juge impitoyable voire sadique ou à un simple charitable bourgeois qui, sortant de son église, le dimanche matin, fait l'aumône convenue à la demande du "handicapé social"...
Mais voilà, autant cette formule est satisfaisante au point de vue théologique et même vient à bon droit dans la prière de Jésus "Seigneur Jésus Christ, [ Fils de Dieu], accorde-moi ta grâce !" se substituer à "aie pitié" autant il est difficile d'en faire une formule courte à réciter en Kyrielles rapides comme ses équivalents grec Κύριε έλέησον ou slavon Господи помилуй, dans le chant ou la prière.
Il n'est donc pas étonnant pas que l'église latine ne l'ait guère traduit mais plutôt conservé tel quel aussi bien dans les textes liturgiques en latin qu'en langue locale sans le traduire même jusqu’à nos jours, il pourrait donc sembler qu'il ne faut définitivement pas traduire cette prière en français...
Pourtant à bien consulter différents dictionnaires, et particulièrement le Littré, on trouve à l'article miséricorde cette définition bien intéressante :
"miséricorde (latin misericordia), sf. Sentiment par lequel la misère d'autrui touche notre cœur.◊ Au pl. Actes de miséricorde.◊ La grâce, le pardon accordé à ceux qu'on pourrait punir. Obtenir, faire miséricorde. Être, se remettre, s'abandonner à la miséricorde de quelqu'un, être, se remettre, s'abandonner à sa merci, à sa discrétion.◊ Sans miséricorde, sans faire grâce. ◊ La miséricorde de Dieu, bonté par laquelle Dieu fait grâce aux hommes, aux pécheurs. ◊ Miséricorde ! par exclamation marque une extrême surprise accompagnée d'une sorte de chagrin ou de regret. ◊ À l'aide, miséricorde ! Cri poussé quand on est battu, outragé, et qu'on demande du secours. ◊ Crier miséricorde, crier en se plaignant des grandes douleurs qu'on souffre, ou d'une peine morale, d'une offense; et aussi éprouver une grande surprise etc. ◊ Petit poignard que les anciens chevaliers portaient de l'autre côté de l'épée et qui leur servait à tuer leur ennemi après l'avoir renversé, s'il ne criait pas miséricorde.◊ Support en forme de cul de lampe pratiqué dans une stalle d'église, au-dessous du siège et qui se relève avec lui. ◊ T. de mar. Ancre de miséricorde, la maîtresse ancre, celle que l'on jette dans les dangers extrêmes. ◊ Prov. À tout péché miséricorde, il faut pardonner les fautes, quelque graves qu'elles puissent être."
Alors voilà, tout y est !
C'est réjouissant à deux points de vue : d'abord l'on peut constater que la langue française est pétrie de christianisme, n'en déplaise aux acharnés ennemis de notre culture et ensuite il semble que ceux qui ont choisi cette traduction - on la voit d'ailleurs quelquefois dans des versions françaises des textes liturgiques orthodoxes - ont trouvé la formule adéquate. C'est finalement assez facile à réciter rapidement, bien qu'il y ait beaucoup de r dans la formule, la prononciation du [r] est malgré tout assez douce en français :
Seigneur miséricorde !
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