"Ceux donc qui n’entrent pas dans les sentiments de l’Apôtre, qui ne comprennent pas qu’il nous exhorte à mener une vie évangélique, ont la hardiesse de lui faire des reproches, comme s’il nous ordonnait des choses impossibles. Qu’ils sachent que, par la bonté de Dieu, nous avons mille sujets de nous réjouir. Nous sommes passés du néant à l’existence ; nous avons été faits à l’image du Créateur ; nous avons reçu l’esprit et la raison, qualités qui sont la perfection de l’homme et qui l’élèvent à la connaissance du Très-Haut. Les beautés des créatures visibles sont comme un livre ouvert à nos yeux, dans lequel nous pouvons lire et apprendre la providence universelle et la grande sagesse du Dieu au-dessus de tout. Nous avons la faculté de discerner le bien d’avec le mal, instruits par la nature même à choisir ce qui nous est convenable, et à fuir ce qui nous est nuisible. Éloignés de Dieu par le péché, nous avons été réconciliés par le sang de son Fils unique, qui nous a délivrés d’une honteuse servitude. Nous avons l’espérance de ressusciter un jour, de participer au bonheur des anges, au royaume céleste, aux biens que Dieu nous a promis, qui surpassent tout ce que la raison peut imaginer. Tous ces avantages ne sont-ils pas de nature à nous combler de joie et à nous causer une satisfaction inaltérable ? Croirons-nous que celui qui se livre aux plaisirs de la bonne chère, dont les oreilles sont flattées par les sons de la musique, qui se couche et s’endort dans un lit délicat, goûte vraiment un contentement ? Pour moi, je pense que les personnes sensées doivent déplorer le malheur d’un tel homme, et que ceux-là seulement sont heureux qui supportent les peines de la vie présente dans l’espoir d’une vie future, qui sacrifient les choses passagères pour mériter les éternelles. Quand ils seraient au milieu des flammes comme les trois enfants de Babylone, quand ils seraient enfermés avec des lions, quand ils seraient dévorés par une baleine, pourvu qu’ils soient étroitement avec Dieu, nous devons croire qu’ils jouissent d’un parfait bonheur et qu’ils vivent dans la joie, peu touchés des maux présents, réjouis par l’espérance des biens qu’ils attendent. Un généreux athlète, une fois entré dans l’arène de la piété, doit supporter avec courage les coups de ses adversaires, animés par l’espoir d’une couronne glorieuse. Dans les combats gymniques, les athlètes accoutumés à de pénibles exercices ne sont pas effrayés des blessures qu’ils peuvent recevoir, mais ils attaquent de près leurs antagonistes, et ne comptent pour rien toutes les peines qu’ils endurent par le désir d’une proclamation honorable. Ainsi, quelque malheur qui arrive à l’homme vertueux, il ne peut troubler la joie qu’il goûte, parce que, sans doute, l’affliction produit la patience, la patience l’épreuve, l’épreuve l’espérance, et que cette espérance n’est point trompeuse (Ro 5, 3). Aussi le même saint Paul nous exhorte-t-il ailleurs à être patients dans les afflictions, et à nous réjouir dans l’espérance (Ro 12, 12). Or c’est l’espérance qui rend la joie éternelle compagne de la vertu." à suivre
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