Le caractère universel de la spiritualité monastique
"L’Occident a canonisé le monachisme et le laïcat comme deux formes de vie : une, répondant aux consilia, conseils, l’autre, aux praecepta, préceptes de l’Évangile. L’unique absolu s’est trouvé dès lors brisé. D’une part s’avancent les parfaits, de l’autre côté se tiennent les faibles, vivant dans les demi-mesures. Une certaine conception ascétique ne justifie la vie conjugale que pour autant qu’elle engendre des vierges et peuple les couvents.
Le caractère foncièrement homogène de la spiritualité orientale ignore la différence entre les “ préceptes ” et les “ conseils évangéliques ”. C’est dans sa totale exigence que l’Évangile s’adresse à tous et à chacun. “ Quand le Christ, dit saint Jean Chrysostome, ordonne de suivre la voie étroite, il s’adresse à tous les hommes. Le moine et le séculier doivent atteindre les mêmes hauteurs ” (7). On voit bien, il n’existe qu’une seule spiritualité pour tous, sans aucune distinction, quant à son exigence, en évêque, moine ou laïc, et c’est la spiritualité monastique (8). Or, celle-ci est formée par les moines-laïcs, ce qui donne au terme “ laïc ” un sens maximalement spirituel et ecclésial.
En effet, selon les grands maîtres, les moines ne sont pas autre chose que ceux qui veulent “ être sauvés ”, “ ceux qui mènent la vie selon l’Évangile ”, “ cherchent l’unique nécessaire ” et “ se font violence en tout ” (9). Il est parfaitement évident que ces paroles définissent très exactement l’état de tout croyant-laïc. Saint Nil estime que toutes les pratiques monacales s’imposent au gens du monde (10). Comme le dit encore une fois saint Jean Chrysostome : “ Ceux qui vivent dans le monde bien que mariés, doivent par tout le reste ressembler aux moines ”. “ Vous vous trompez tout à fait, si vous pensez qu’il est des choses exigées des séculiers et d’autres des moines... ils auront les mêmes comptes à rendre ” (11). La prière, le jeûne, la lecture des Écritures, la discipline ascétique, s’imposent à tous au même titre. Saint Théodore Studite dans sa lettre à un dignitaire byzantin dresse le programme de la vie monastique et précise : “ Ne croyez pas que cette liste vaille pour le moine et non pas, tout entier et également pour le laïc ” (12).
Quand les Pères parlaient, ils s’adressaient a tous les membres du Corps, sans aucune distinction entre le clergé et le laïcat, ils parlaient au sacerdoce universel. Le pluralisme actuel des théologies de l’épiscopat, du clergé, du monachisme, du laïcat, étant inconnu au temps des Pères, serait même incompréhensible pour eux. L’Évangile dans sa totalité s’applique à tout problème particulier de tout milieu."(extrait de Le monachisme intériorisé)
7) In epist. ad haebr., 7, 4 ; 7, 41 ; Adv. oppugn vitae monast. 3, 14.
8) Cf H. Pourrat, La spiritualité chrétienne, I, ix.
9) Évagre le Pontique, P.G. 79, 180D.
10) Epist., I, 167, 169 ; cf. Hom. in Éph.
11) Hom. in epist. ad haebr., 7, 41.
12) P.G. 99, 1388.
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